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Louis Bachoud, ingénieur Arts et Métiers, architecte, urbaniste, chargé de cours à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, professeur au Cefac (CCI) et à l’AFE, a vécu et construit dans de nombreux pays d’Occident et d’Afrique. Il a publié des ouvrages au Seuil, chez Delmas, chez Sequoia et aux éditions Valensin.

Voici 35 ans, encore nomade, j’achetais une ruine abandonnée d’une ferme bâtie sur un ancien château fort que je visitais, par hasard, et dont les pierres me parlèrent : Le château fort de Droizy. Les lieux isolés malgré leur délabrement étaient riches d’une force authentique, belvédère s’élevant sur une vague de terre, ils dominaient tout le plateau. Aux pieds des remparts écroulés, une église, faisait couple avec la tour. La campagne vierge, jusqu’à l’horizon et sur toutes les orientations, était libre des présences parasitaires de l’homme, uniquement de la forêt, des blés et des pâtures, pas de bâtis, pas de routes, un paysage du XVème siècle.

Les architectes actuels vous le savez certainement ne construisent plus communément  en pierre. J’ai été étonné de ma décision subite, mais je percevais cependant que j’avais à réaliser une œuvre. J’ai d’abord étudié l’histoire de cette ruine devenue ferme au XVIème siècle et j’ai appris à tailler la pierre fossile locale pour savoir comment restaurer des bâtis souvent rendus à leurs fondations et à des poteaux, pans de murs dans l’espace.

J’ai commencé par essayer de penser comme Robert de Droizy, le constructeur du XIIème siècle, puis en Jean de Droizy, puis en La Hire, pour comprendre:  pourquoi  ils s’étaient implantés  en cet emplacement, pourquoi il y avait une surélévation du Donjon au XIVème siècle, avec des échauguettes, pourquoi une douve, pourquoi un terrassement très important avec changement de mur d’enceinte au XVème siècle, etc., et après trois ans de démolitions des  ajouts fermiers, je me trouvais prêt à dessiner, presque sous la dictée de mes prédécesseurs, un plan directeur qui prenne en compte toutes les constructions du XIIème au XXème siècles en concevant un ordonnancement cohérent par des  terrassements, de nouvelles constructions pastiches et un jardin dont le végétal réponde à la pierre.


C’est donc l’histoire de la restauration et la résurrection du Château fort, et des âmes qui l’habitent qui se conjuguent avec ma vie. Les hommes sur neuf siècles se parlent et nourrissent la pierre et l'âme de leur dialogue. Le Château est maintenant prêt à revivre 10 siècles, sachant et il en est le témoin déjà depuis 900 ans que l’homme dans l’essentiel ne change pas. Seuls ses outils sont remplacés, mais la soif de pouvoir, l’esclavage des vies hier et aujourd’hui, la croyance ou la foi comme tuteur, les artifices pour soumettre, le politique irresponsable qui fuit, la volonté d’être et l’amour restent toujours et encore les fondements des vies  humaines.

J'ai écrit pour la résurrection du Donjon, j'écris maintenant pour ma restauration. C'est le don des vieilles âmes. On ne sait vers quel chemin elles vous entrainent.

Le 01/01/2017